Propos recueillis par Caroline Rainette

15 juin 2022

Tubiste à l’orchestre de la Police Nationale, Sylvain Dutouquet dirige l’Orchestre de l’Harmonie de Montrouge depuis 2007.

Racontez-nous votre parcours

En dehors de mon oncle qui était facteur d’instruments à vent, je ne viens pas d’une famille de musiciens. J’ai commencé le tuba à l’école de musique d’Eaubonne avec André Bernard. J’ai ensuite poursuivi mes études au Conservatoire Régional de Paris dans la classe de Philippe Legris, et au conservatoire de Paris 15 avec Régis Boeykens. Puis je suis entré au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dans la classe de Gérard Buquet et Bernard Neuranter. J’ai obtenu le diplôme d’état de professeur de tuba et je suis entré à l’Orchestre de la Police Nationale, où je joue maintenant depuis 18 ans. En 2007 je suis devenu directeur musical de l’Orchestre d’Harmonie de Montrouge. Je connaissais déjà un peu cet orchestre pour y avoir joué quand j’étais étudiant, en renfort de tuba. Je fais également partie du Brass band Æolus, ainsi que de la compagnie de théâtre musical jeune public, Les Archets à Bâbord. Enfin j’enseigne le tuba au conservatoire d’arrondissement de Paris XV.

Il faut fédérer les musiciens, leur donner envie de pratiquer leur instrument régulièrement et de participer aux projets proposés par l’orchestre.

Parlez-nous de votre expérience de chef d’orchestre

J’ai d’abord commencé en faisant travailler les orchestres juniors des conservatoires. Même si je connaissais un peu le monde de l’harmonie pour avoir joué dans différents ensembles quand j’étais enfant, je l’ai vraiment découvert en prenant la direction de l’orchestre de Montrouge, et j’ai alors pris conscience de l’importance de fédérer les musiciens au quotidien, de leur donner envie de pratiquer leur instrument régulièrement et de participer aux projets proposés par l’orchestre.

A mon arrivée à Montrouge, l’orchestre comptait une quinzaine de musiciens, ce qui était très bien pour débuter en tant que chef. Aujourd’hui ils sont un peu plus de cinquante, ce qui s’explique par plusieurs facteurs. Tout d’abord la municipalité nous soutient énormément, par des financements sur les projets, la mise à disposition d’une salle de répétition, mais aussi en termes logistique avec la prise en charge des pupitres et des percussions. D’autre part, côté artistique nous développons beaucoup les projets, avec une nouvelle proposition chaque année : commandes auprès de compositeurs, invitations de solistes ou de groupes… Nous avons par exemple travaillé sur des arrangements sonores de musique baroque avec l’ensemble de flûtes à bec d’Eric Brunet, le Consort Quintessence. Nous faisons également des rencontres d’harmonies, avec celles de Boulogne Billancourt ou Clermont de l’Oise. Nous espérons d’ailleurs pouvoir redémarrer un projet stoppé par le Covid avec l’harmonie de Malakoff. Ces rencontres permettent d’écouter le travail des autres orchestres, d’échanger, de créer des liens, de se retrouver autour de la musique. C’est très riche pour tout le monde. Tous ces différents projets sont extrêmement motivants pour les musiciens, et nous faisons très attention à ce qu’ils soient fédérateurs, même si, évidemment, il y a des aspirations différentes. Enfin, l’harmonie de Montrouge se caractérise par une très bonne ambiance – ce qui est évidemment très important – et un bureau très actif. Ce dernier est composé exclusivement de musiciens de l’orchestre, et fait un énorme travail artistique, en collaboration avec moi-même. Il fait également un gros travail en termes de communication (diffusion des affiches chez les commerçants, distribution de flyers sur le marché, réseaux sociaux…), ou encore de relations avec la mairie (subventions, relations avec les services techniques, réservation de salle…). Tout cela nous a permis d’avoir 220 personnes lors de notre dernier concert au Beffroi de Montrouge, et lors d’un précédent concert nous avions même dû refuser du public.

Grâce à tous ces éléments, nous arrivons à garder longtemps nos musiciens, qui sont attachés à ce qu’ils vivent au sein de l’harmonie !

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J’essaie de faire découvrir aux musiciens toutes les possibilités d’un orchestre.

Quel répertoire faites-vous travailler à l’orchestre ?

Dans un orchestre d’harmonie, tous les musiciens sont différents, avec pour certains des niveaux fin second cycle, d’autres fin 3ème cycle, et d’autres au-dessus encore avec des prix. Généralement, les musiciens amateurs ont passé beaucoup de temps dans leur enfance avec leur instrument, ils ont dû arrêter à un moment – souvent pour leurs études – et essaient par la suite de retrouver des lieux pour jouer. Se retrouver en orchestre leur permet d’avoir une pratique et des objectifs.

Le répertoire que je leur fais travailler est très varié. Je suis très attentif, avec le bureau, à choisir des morceaux toujours différents, qui plairont, en fonction du niveau de l’orchestre bien sûr et de la cohérence du programme de concert. Il est important que les musiciens se sentent investis et qu’ils n’aient pas l’impression de refaire toujours la même chose. Il me semble que c’est ce qui plaît : un orchestre, avec une diversité de répertoire, dans une bonne ambiance.

J’essaie donc de faire découvrir aux musiciens toutes les possibilités d’un orchestre : quand il est au premier plan musicalement, et quand il est en accompagnement. Les créations sont aussi une part importante de ce travail. Nous avons par exemple commandé des œuvres à Stéphane Kregar (concerto pour clarinette et symphonie manouche), Pascal Rousseau (improvisation générative et musique contemporaine), Rafgee (trio jazz).

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Notre dernière création, Buffalo Bill de Thierry Deleruyelle, est venue de l’idée de demander à un compositeur de travailler sur la ville de Montrouge. Auparavant, nous avions travaillé quelques pièces de Thierry Deleruyelle, qui avaient beaucoup marquées les musiciens en faisant sonner l’orchestre différemment, en le faisant rayonner. Nous avons alors pris contact avec lui, et c’est ainsi que la pièce est née. Je lui ai indiqué que je souhaitais une œuvre en un mouvement d’une dizaine de minutes, d’un grade 4, en lui détaillant l’ensemble des musiciens par pupitre afin qu’il ait une bonne vision de l’orchestre. Travailler avec le compositeur est une véritable chance et c’est extrêmement motivant : il vient lui-même expliquer sa pièce, ses intentions.

Cela a été un vrai plaisir pour tout le monde de travailler Buffalo Bill, même si au départ cela a été un peu difficile car, sortant de cette période Covid sans répétition, il a fallu remettre les doigts en mouvement et retrouver une sonorité. Mais le résultat a été un très beau concert, d’autant que pour la première fois il était composé exclusivement de pièces composées pour harmonie, en l’occurrence uniquement d’œuvres de Thierry Deleruyelle. Travailler sur des œuvres écrites pour harmonie apporte en effet une autre dimension, les musiciens comprennent mieux leurs rôles dans la sonorité de l’orchestre, ils prennent conscience que tous sont importants, même s’ils ne jouent pas les parties solos. Or la structure des pièces de Thierry Deleruyelle permet parfaitement cette prise de conscience. Outre le plaisir de travailler sur une création, Buffalo Bill a permis à l’orchestre de progresser, notamment au niveau du son et de l’écoute. Nous avons réussi à créer un beau son d’orchestre, avec de très belles nuances dans les pianos et les forte. J’espère que nous conserverons ce son sur les futures pièces !

Avez-vous une anecdote à nous partager ?

De manière très touchante et honorifique, nous avons été témoin de la confiance portée par la mairie Montrouge sur l’orchestre lors de la commémoration des attentats de 2015. Nous avions reçu un courrier officiel annonçant la participation de l’harmonie à la cérémonie, et mentionnant la présence du maire, du Président de la République, du Ministre de l’intérieur, de la Garde des sceaux. Nous avons d’abord cru à une erreur, mais nous avons ensuite compris que la mairie de Montrouge avait spécifiquement demandé à ce que son harmonie assure la cérémonie. On ne s’y attendait pas, et je n’imaginais pas qu’une harmonie amateur serait choisie pour un tel évènement, en présence des plus hautes autorités étatiques et retransmis en direct à la télévision. Le trompettiste qui a joué la sonnerie aux morts n’oubliera sans doute jamais ce moment…

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

J’espère que nous continuerons à fédérer nos musiciens, pour qu’ils aient toujours envie de venir et de s’investir, et que nous arriverons encore à trouver de nouveaux projets moteurs. Et, bien sûr, que nous puissions jouer Buffalo Bill un peu partout !

Focus sur l’Orchestre d’Harmonie de Montrouge

Découvrez en image l’Orchestre d’Harmonie de Montrouge, ainsi que les premières minutes de Buffalo Bill de Thierry Deleruyelle (à 02:39)

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