Propos recueillis par Caroline Rainette

15 septembre 2021

Originaire de Mulhouse, Céline Pellmont est cheffe d‘orchestre et flûtiste dans la région des trois frontières et en particulier en Allemagne… Titulaire du DADSM et diplômée de la Musikhochschule de Bâle, elle participe activement et régulièrement à des masterclasses internationales et a créé en France une école de musique à Hésingue avec notamment deux orchestres à l’Ecole. Elle contribue régulièrement en tant que cheffe invitée à de nombreux projets musicaux internationaux en orchestre d’harmonie, orchestre de chambre, orchestre symphonique ou avec des jeunes enfants. Elle est aussi membre de l’ensemble de Flutes Traverselair et cofondatrice en 2020 de l’EAWBC, l’association européenne de femmes cheffes d’orchestre.

Racontez-nous votre parcours

N’étant pas issue d’une famille de musiciens, je suis devenue cheffe d’orchestre un peu par hasard. J’ai commencé la flûte à 6 ans, dans l’école de musique de mon quartier. Il s’agissait au départ moins d’une envie que d’une activité pour occuper les mercredis. Pourtant, j’ai tout de suite été séduite et j’ai eu la chance d’intégrer l’Orchestre d’Harmonie de Mulhouse (anciennement Musique Saint Joseph) à l’âge de 11 ans. J’y ai joué une quinzaine d’années toujours avec beaucoup de plaisir et ai été directrice adjointe sous la présidence de M. Jean-Jacques Brodbeck, une grande figure de la CMF.

J’ai commencé tôt à diriger mais surtout à vouloir comprendre et apprendre les ficelles du métier en prenant mes premiers cours de direction au CDMC de Guebwiller avec Jos van der Sidje, Hardy Mertens ou Eric Villevière. L’aspect de partage mais aussi l’aspect technique et l’exigence de la direction m’ont tout de suite plu. Mon premier grand concert en tant que cheffe d’orchestre a été au Théâtre de la Sinne à Mulhouse avec l’OHM (Orchestre primé au concours Eolia 2004 en catégorie Vivace) ; cela m’a fait découvrir le plaisir de la scène et m’a donné l’envie d’apprendre ce qui allait devenir ma passion. L’Alsace étant riche de son patrimoine musical, je n’ai pas eu de problèmes pour trouver des orchestres de village qui m’ont fait confiance et avec lesquels j’ai partagé tellement de beaux moments musicaux et humains ! Cependant venant d’un milieu modeste, il me devait d’avoir un « vrai » métier, la musique devant rester un loisir. En parallèle du Conservatoire de Mulhouse puis de Colmar, j’ai donc suivi des études d’ingénieur en informatique et ai travaillé dans des grandes entreprises pharmaceutiques à Bâle, en dirigeant mes orchestres le soir… L’envie de me professionnaliser a mûri et un élément déclencheur fut ma rencontre et mon apprentissage avec le chef Miguel Etchegoncelay, qui m’a beaucoup appris, notamment la philosophie de la direction. J’ai compris alors que la direction d’orchestre est un vrai métier avec beaucoup d’exigences et un grand souci de qualité et requiert un investissement personnel ainsi qu’une remise en question constante pour maitriser et partager cet art.

En parallèle à l’arrivée de mes deux enfants, j’ai donc fait le choix de la direction d’orchestre au détriment de ma carrière d’ingénieur déjà bien lancée. Ce fut un pari risqué financièrement, mais c’était là le choix du cœur. J’ai alors passé le DADSM, afin d’obtenir une reconnaissance au niveau national. Puis je suis partie étudier en Suisse à la « Musik Hochschule » de Bâle dans la classe de Félix Hauswirth.

Curieuse de voir comment on pratique la musique d’harmonie outre-rhin et forte de mes diplômes, j’ai postulé en Allemagne, où je suis restée 10 ans à la « Musikverein Herten » avec laquelle j’ai pu grandir et partager ma passion. Dans cette région allemande frontalière avec la France (Baden Würtemberg), les deux pays sont relativement proches culturellement et musicalement, en revanche si l’exigence artistique est la même dans les deux pays, en Allemagne le chef doit montrer une certaine autorité, poser des cadres, alors qu’en France la relation de travail est plus horizontale avec l’orchestre et il y a aussi la rigueur et la ponctualité, valeurs très appréciables à mes yeux. En outre, j’ai été très vite acceptée en Allemagne, alors qu’en France, j’ai parfois ressenti un peu de réticence de la part de certains, peut-être d’une autre génération, à avoir un chef jeune, qui plus est une femme. Mais les choses ont heureusement évolué !

Parallèlement à tout ceci, j’ai été sélectionnée dans de nombreuses masterclasses internationales (en France, en Allemagne, en Suisse, en Autriche et aux Etats-Unis) ; pour moi, cela a toujours été vital et très enrichissant de partager et échanger avec d’autres chef/fes d’orchestre et savoir que dans le monde entier, on parle le même langage corporel universel et spirituel, celui de la Musique. De plus de côtoyer de grands Maestros et d’avoir leur conseil est une chance de développement énorme. Cela permet d’étoffer son savoir, d’affuter son oreille, sa curiosité et de tisser des liens d’amitié et d’ouvrir ses horizons.

Je viens moi-même du milieu amateur, et mon cœur reste auprès d’eux

Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec les amateurs ? Est-ce très différent du milieu professionnel ?

Il y a en effet une grande différence. Les professionnels ont beaucoup d’attente et d’exigence, et il faut arriver à les laisser s’exprimer artistiquement et musicalement tout en indiquant la direction musicale. Avec le niveau qu’ils ont, on peut diriger leur ressenti, les émotions que génère la musique, alors que ceci va demander plus de cadre aux amateurs, même simplement rythmique et pédagogique. La façon de travailler est donc différente mais le point commun est toujours de devoir inspirer les musiciens. On peut bien évidemment travailler plus rapidement avec des professionnels et aller dans la subtilité, ce qui va prendre plus de temps avec les amateurs où les choses doivent être faites par étape. Quoiqu’il en soit les exigences sont les mêmes en termes de résultats, dans les deux cas nous sommes dans l’échange humain et la promesse d’un voyage musical et émotionnel commun et de qualité, c’est pour moi le plus bel aspect du métier.

Je viens moi-même du milieu amateur, et mon cœur reste auprès d’eux. Les musiciens de ces orchestres viennent par plaisir, par passion. C’est une récompense pour le chef quand on arrive à avoir une symbiose et un très bon orchestre malgré des musiciens de niveaux disparates alliant toutes les générations, il y a une sorte d’émulation. C’est aussi une immense satisfaction de leur transmettre quelque chose, de leur donner envie de revenir, de continuer, d’avoir cet échange humain très fort.

Vous avez passé le DADSM, racontez-nous

J’étais encore cheffe amateur, mais je voulais être formée, valider mes acquis et savoir où j’en étais, car il n’existe en France que peu de concours de direction. J’ai donc décidé de passer le DADSM. Cela offrait aussi la possibilité de diriger l’Orchestre de la Police Nationale de Paris et l’harmonie de Pantin, ce qui était très motivant. Mais c’était un défi, le niveau étant élevé. J’ai dû beaucoup travailler, notamment me replonger dans la théorie, l’harmonie, l’orchestration etc. Côté pratique, je pouvais expérimenter sur les orchestres que je dirigeais, voir comment les musiciens réagissaient à tel ou tel geste, aller dans l’analyse très détaillée et passionnante des conducteurs. Ce fut une belle expérience.

A l’issue du DADSM, j’ai pu échanger avec les membres du jury, sur les points forts et les points à améliorer. C’était une belle expérience, qui m’a totalement convaincue dans ma volonté de faire ce métier et de progresser encore. Cela m’a donné une reconnaissance, et prouvé que j’étais capable de faire ce métier, donné une légitimité alors que j’étais flûtiste mais aussi ingénieure

Même si le DADSM n’est validant qu’en France et reconnu dans le milieu amateur, il est un plus aussi à l’étranger. Il m’a permis récemment de postuler en partie (en plus de mon expérience) et d’accéder tout récemment au poste de Chef de l’orchestre d’harmonie ECHO de Türckheim, orchestre classé en division Honneur.

J’aime côtoyer de grands Maestros et avoir leur conseil est une chance de développement énorme. Cela permet d’étoffer son savoir, d’affuter son oreille, sa curiosité, de tisser des liens et d’ouvrir ses horizons.

Parlez-nous du répertoire musical que vous travaillez avec vos orchestres

Il y a évidemment le répertoire de base et original pour orchestre d’harmonie : notre répertoire recèle des bijoux issus du répertoire pour orchestre militaire ou ensembles instrumentaux mais si peu joué : les sérénades de Mozart, la Symphonie Funèbre et triomphale de Berlioz par exemple, ou des compositeurs comme Charles Gounod, Camille Saint-Saens, Gustav Holst, Ralph Vaughan Williams, Percy Grainger, Darius Milhaud, Karel Husa, David Maslanka, Joaquin Rodrigo et j’en passe… Pour les orchestres d’harmonie, nous avons la chance d’avoir un large choix de compositeurs contemporains qu’il faut apprendre à choisir par la qualité de leur écriture et savoir éviter les pièges de la musique commerciale qui manque beaucoup de saveur au niveau des couleurs orchestrales. Il ne faut pas avoir peur de sortir des sentiers battus, essayer d’aiguiser la curiosité des gens, du moins c’est ma devise. Je suis très éclectique et essaye aussi de collaborer avec de jeunes compositeurs ou compositrices de ma région ou d’ailleurs. En tant que cheffe, élaborer un programme nécessite de créer une dynamique artistique et singulière qu’il faut assumer, et qui nécessite d’avoir la confiance des musiciens ou d’arriver à les convaincre sur la pertinence des pièces programmées. Je passe beaucoup de temps à écouter de la musique pour faire des listes, en fonction des niveaux de chaque orchestre. J’essaie de mélanger du répertoire connu avec des choses innovantes, qui vont interroger les gens, comme par exemple des pièces sur l’électricité avec des effets de lumière ou de spatialisation inattendus ou des pièces pour orchestre et bande sonore ou pour instrument solo rare. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le public est très ouvert et très réceptif.

J’adore surtout échanger et travailler avec les compositeurs en réel : c’est tellement enrichissant de connaitre les secrets et la genèse d’une œuvre. En effet, le chef d’orchestre n’est que le porte-parole et interprète du compositeur. Actuellement, avec mon orchestre allemand « Musikverein Fahrnau », nous sommes sur un projet de création avec le compositeur hollandais, bien connu dans le monde de l’orchestre d’harmonie, Hardy Mertens. Les musiciens et le compositeur avons discuté et réfléchi ensemble, en visioconférence (pour cause de pandémie), pour que le morceau soit à l’image de l’orchestre et de moi-même selon les souhaits d’Hardy. Tout le monde aura donc participé à la création de cette œuvre. Hardy Mertens a donc composé cette œuvre par rapport au thème, aux personnes, à ses ressentiments par rapport à l’orchestre et aux valeurs de l’orchestre. Cette collaboration est très motivante et enrichissante pour les musiciens.’

Il s’agit d’une création de niveau 5-6 qui va leur demander beaucoup de temps de travail et qui s’intitule : Glasmännchen ou Petit Homme de verre, basée sur une légende locale de la Forêt Noire. La première aura lieu en 2022 en présence du compositeur à notre prochain concert de Gala (sous réserve de bonnes conditions sanitaires !). Je me réjouis de cet évènement !

Racontez-nous une ou deux anecdotes qui vous a/ont marqué

En 2019, j’’ai été sélectionnée pour participer à une masterclasse où j’ai eu la chance de rencontrer le chef renommé Robert Reynoldset de diriger son arrangement « O Magnum mysterium » de Morten Lauridsen, une pièce à caractère religieux et très émotionnelle. C’était un grand moment quand j’ai vu son large sourire et que nous avons dirigé ensemble : ce fut un moment inoubliable et hors du temps. Il m’a beaucoup félicitée et encouragée, ce qui m’a renforcée dans ma quête des secrets de la direction d’orchestre. Donc oui, il faut s’inspirer des grands chef/fes d’orchestre pour gagner du temps d’apprentissage et grandir professionnellement et personnellement.

Toujours aux Etats-Unis à Los Angeles lors d’une masterclasse, j’ai eu le privilège de diriger le « Los Angeles Quartet ». Ce sont des musiciens fabuleux et internationalement reconnus. Quand nous sommes arrivés, il y avait une immense fresque d’eux sur un gratte-ciel, et quelques heures plus tard je me suis retrouvée ensuite face à eux pour les diriger. C’était incroyable et on a eu un échange très amical et cordial.

Les femmes doivent prouver leurs compétences davantage que les hommes pour acquérir une légitimité, être toujours un peu meilleure.

Ces derniers temps la presse a relayé la faible proportion de femmes à la tête des orchestres professionnels. Voyez-vous un changement dans les mentalités actuelles ?

Je dois dire que les choses sont en bonne voie. Les femmes sont plus acceptées et visibles aujourd’hui qu’il y a quelques années, mais l’égalité n’est pas encore dans les normes. Mais actualité oblige, il y a aussi plus de communication sur le sujet dans les medias, donc les mentalités sont en train d’évoluer. C’est une bonne chose.

À titre personnel, j’ai cruellement manqué de référence. Je ne pensais même pas qu’une femme pouvait diriger, je n’en connaissais aucune. C’est d’ailleurs encore rare qu’une femme dirige un orchestre professionnel ou du moins elles étaient moins médiatisées. Dans le milieu amateur, il y a plus de cheffes, mais la presse ne communique que peu sur elles. Maintenant avec les réseaux sociaux, cela évolue et la presse et le milieu accepte plus de parler des femmes qui accèdent à des postes prestigieux ; comme Marin Alsop, Claire Gibault ou des cheffes de la nouvelle génération comme Alexandra Arrièche, Johanna Malangré, Holly Hyun Choe, Déborah Waldman, Rebecca Tong.La voie est lentement en train de s’ouvrir. Certains disent que c’est maintenant plus difficile pour les hommes, mais je ne pense pas. Les femmes prennent juste un peu de la place qu’elles n’ont jamais eue. Mais elles doivent prouver leurs compétences davantage que les hommes pour acquérir une légitimité, être toujours un peu meilleure que ses concurrents masculins pour convaincre, du moins c’est mon expérience personnelle.

Vous êtes cofondatrice de l’European Association Women Band Conductor (EAWBC). Racontez-nous cette aventure, que souhaitez-vous réaliser, changer à travers cette association ?

Cette aventure est à l’initiative d’Antonella Bona, cheffe très connue et reconnue en Italie et première femme à accéder en 2007 au poste de direction de l’Orchestre de l’Armée Italienne à Rome.

J’avais déjà réfléchi à un réseau pour les femmes cheffes d’orchestre ou jeunes femmes désirant le devenir, afin d’échanger et partager nos expériences. J’ai trouvé ces mêmes valeurs dans le parcours et l’envie du Maestro Antonella Bona (c’est ainsi qu’on la nomme en Italie). Nous avons donc décidé de collaborer ensemble et avec d’autres jeunes et prometteuses cheffes d’orchestre qui ont trouvé cette démarche intéressante et ambitieuse.

En avril 2020 nous avons donc créé cette association, l’EAWBC, avec des femmes et des hommes( !) passionnés souhaitant promouvoir la femme cheffe d’orchestre, que ce soit au niveau professionnel ou amateur. L’association est donc toute jeune et unique, et situation sanitaire oblige, nous avons commencé avec des webinaires en ligne avec le Maestro Alex Schillings. Nous sommes également présents sur les réseaux sociaux (Facebook). Il s’agit d’avoir des échanges entre femmes cheffes d’orchestres ou étudiantes en direction, en plus de rencontres, de réunions, de webinaires, de symposiums et aussi une future masterclasse avec un grand orchestre européen, ouvert à tous et toutes. Autant de projets qui nous tiennent à cœur. Nous collaborons aussi avec des artistes et compositeurs reconnus comme Franco Cesarini, Mark Heron etc. dans la série que nous avons créée en ligne « Let’s meet in music ». Il s’agit aussi d’apporter des modèles pour les prochaines générations, des aides, des outils, des partages d’expérience, d’aborder des aspects techniques ou philosophiques ou d’autres aspects tels que la communication, le leadership, la psychologie et les neurosciences de la direction ou encore la problématique de la maternité, la sensibilité féminine, tous ces thèmes passionnants qui ne sont que peu abordés pendant les études.

Je vous invite donc à nous rejoindre pour mieux se connaitre et créer une communauté de femmes passionnées par la direction d’orchestre, que vous soyez homme ou femme, nous serons heureux de faire votre connaissance.

Pour des raisons de confidentialité YouTube a besoin de votre autorisation pour charger. Pour plus de détails, veuillez consulter nos Mentions Légales et Politique de confidentialité.
J'accepte
Pour des raisons de confidentialité YouTube a besoin de votre autorisation pour charger. Pour plus de détails, veuillez consulter nos Mentions Légales et Politique de confidentialité.
J'accepte

Comment avez-vous vécu le confinement ? Vos craintes ?

Le confinement a été une catastrophe pour le milieu artistique quel qu’il soit et pour la culture en général, si peu « essentielle » mais juste vitale pour notre société. Les musiciens, les intermittents du spectacle, les responsables de théâtres et salles de concert, les techniciens, tout comme les chefs d’orchestre n’ont pas été épargné. Enlever la musique, la possibilité de jouer ensemble à un musicien, c’est comme le priver d’oxygène. Nous avons été littéralement asphyxiés par cette pandémie, nous poussant parfois dans le doute, la pauvreté pour certains, ou une profonde remise en question. Même si chaque crise a un côté positif, nous avons dû être innovants et résiliants afin de développer des stratégies d’adaptation en explorant des nouvelles voies technologiques par exemple.

Pour les orchestres amateurs, c’est assez tragique cette période sans répétition ni concert. Nous espérons pouvoir remotiver et nous reconstruire, même si cela va être un travail de longue haleine. À titre personnel, grâce à un appel aux dons et subventions, mon orchestre en Allemagne a continué à me soutenir financièrement, ce qui est une chance et ce qui m’a naturellement beaucoup touché. De plus, entre les deux confinements, beaucoup d’énergie a été dépensée pour organiser des concerts en extérieur avec un concept sanitaire adapté ou préparer un concert en formation réduite, qui n’a jamais vraiment abouti, d’où une grande frustration collective. C’est ici l’aspect primordial des orchestres amateurs qui a été touché, l’aspect social. Mais le retour à une certaine normalité en juin dernier a été d’autant plus apprécié et salvateur, même si cela va être chronophage de recréer un son d’orchestre, le plaisir est au rendez-vous ! Vivement que l’on retrouve notre public à présent.

Pour des raisons de confidentialité YouTube a besoin de votre autorisation pour charger. Pour plus de détails, veuillez consulter nos Mentions Légales et Politique de confidentialité.
J'accepte

La musique doit parler de cœur à cœur. On peut se passer complètement du numérique pour l’apprentissage de la musique.

Le confinement a vu la part du numérique augmenter considérablement, y compris dans les domaines artistiques. Qu’en pensez-vous ?

Pour moi, le numérique est une chance et indispensable dans notre société, mais il doit rester un outil dans la musique (mise à part la musique amplifiée bien entendu) et non un but en soi. La musique doit se pratiquer en réel pour moi, il s’agit d’une symbiose, d’un partage d’émotions. Le numérique peut aider pour organiser, analyser, converser, planifier plus rapidement. Mais la musique doit parler de cœur à cœur, ce sont des vibrations, des sensations directes et physiques à un niveau plus élevé que le langage. Le numérique a une place à prendre, mais il a ses limites. La musique n’a pas besoin d’écran, de câble, etc. Elle se suffit à elle-même et ne supporte aucune déformation.

Avec mon orchestre, nous n’avons pas fait de vidéos confinées, car nous n’avions pas forcément les compétences en montage. En outre, cela demande beaucoup d’heures de travail pour quelques clics, et surtout un résultat qui est numérique, donc déformé par définition. Mais l’idée de le faire est aussi belle pour maintenir le lien avec le public et se sentir moins seul pendant ces périodes difficiles. De plus, il y a eu de belles initiatives d’orchestres professionnels qui en ont profité pour faire des enregistrements ou des concerts en Live Streaming ou en formation réduite. Tout le monde a donc du se remettre en question et c’est aussi positif.

Pour ma part, j’ai profité du confinement pour faire de la musique de chambre travailler mes instruments et ma technique, écouter beaucoup de répertoire et ai même eu la chance de participer à une masterclasse en Suisse avec un orchestre philarmonique professionnel avec un vrai concert à la clé en novembre 2020, masquée bien évidemment. Un luxe…

Que peut-on vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?

J’espère continuer à apprendre et grandir musicalement, procurer de la joie et partager de bons moments avec les musiciens. J’espère également que l’orchestre d’harmonie puisse être valorisé à sa juste valeur, car il y a malheureusement toujours un clivage avec le symphonique.

Je voudrais aussi terminer sur la problématique de la conciliation carrière/maternité, sujet compliqué, rarement abordé mais qui est important et à laquelle j’ai été moi-même confrontée. Je me suis occupée de mes enfants, et cela a freiné ma carrière. Pendant cette période j’ai ressenti un grand vide professionnel, même si j’avais un grand plein à la maison. C’est un équilibre difficile à trouver.

En effet, le chef doit toujours être présent dans l’orchestre, ce qui n’est pas toujours facile à gérer avec les enfants, la fatigue, l’allaitement. Il y a beaucoup de petites choses auxquelles un chef homme ne sera pas confronté par essence, et ces petites choses peuvent au final devenir un frein dans la carrière d’une femme. Une femme est toujours confrontée à ce dilemme entre le temps consacré aux enfants et son métier, quel que soit le milieu professionnel. En outre, elle est jugée beaucoup plus vite qu’un homme dans cette position de cheffe devant l’orchestre. Il serait d’ailleurs intéressant d’avoir des concours entièrement à l’aveugle, où le jury – derrière des paravents – ne saurait pas si le chef est un homme ou une femme Peut-être que cela aiderait à rééquilibrer le choix des candidats. De même que de se questionner sur les limites d’âge dans les concours qui ne s’ouvrent plus au-delà de 30 ans. Evidemment, je n’ai aucun regret par rapport aux choix que j’ai faits : je fais aujourd’hui de la musique avec mes orchestres et avec mes enfants, et suis épanouie dans ces entreprises très complémentaires, même si je reste persuadée que la vie d’une femme cheffe d’orchestre sera, naturellement, différente de celle d’un homme, et remplie de sacrifice et de plus de compromis sans doute. Dans les masterclasses internationales, il n’y a d’ailleurs que peu de femmes et quasiment aucune mère de famille. Mon espoir est donc que le chemin entamé dans le sens de l’égalité des chances se poursuive pour les générations futures.

Pour la suite, je souhaite un vif succès à l’Association EAWBC pour un partage toujours au service de la musique, comme art majeur.

Pour des raisons de confidentialité YouTube a besoin de votre autorisation pour charger. Pour plus de détails, veuillez consulter nos Mentions Légales et Politique de confidentialité.
J'accepte