Propos recueillis par Caroline Rainette

15 novembre 2021

Dans la Drôme, Claire Longueville dirige l’Harmonie de Jacquemart et l’Horizon Musical d’une main de maître dans la bonne humeur ! Elle a passé le DADSM en 2021.

Racontez-nous votre parcours

J’ai commencé la flûte traversière à l’âge de 8 ans, au conservatoire de Romans-sur-Isère. Mes deux parents sont trompettistes amateurs et jouent dans l’harmonie municipale de Romans, où je les ai rejoints dès que j’ai su moi-même un peu jouer. Passionnée par la musique, j’ai très tôt décidé d’en faire mon métier. Ainsi j’étais en classe CHAM au collège, puis au lycée à Lyon en cursus F11 (musique et danse). En parallèle je suis entrée au CRR de Lyon dans la classe de Michel Lavignolle, et j’ai intégré l’orchestre d’harmonie du conservatoire. J’ai obtenu mon DEM de flûte traversière en 2001 et j’ai commencé à enseigner en 2002. En 2004 j’ai suivi l’enseignement en flûte traversière de Céline Nessi au CRR de Boulogne Billancourt, puis en 2005 l’enseignement d’Emmanuelle Ophèle au CRD de Montreuil. En 2017 j’ai obtenu mon DE en flûte traversière.

Passionnée par la musique, j’ai très tôt décidé d’en faire mon métier.

En 2007, alors que je n’avais aucune expérience en la matière, on m’a proposé de diriger un orchestre. Cela a été une véritable révélation. J’ai alors suivi deux formations de direction avec Yves Bouillot, organisées par la fédération de la Drôme en 2013 et 2014. En 2015 on m’a proposé de prendre la direction de deux orchestres : un petit orchestre d’harmonie dans le Nord de la Drôme, L’Horizon Musical, et l’orchestre de Romans, l’Harmonie de Jacquemart, que le chef quittait. C’était un gros challenge de diriger ce dernier orchestre, car il y a beaucoup de musiciens, des gens que je connaissais, qui m’avaient vu grandir, et bien sûr, mes parents. Mais les musiciens ont été très bienveillants et accueillants. En outre, étant donné que nous nous connaissons très bien depuis longtemps, il y a une super ambiance : beaucoup de travail, dans une atmosphère familiale et conviviale.

En 2018 et 2019 j’ai complété mon parcours avec deux formations avec Claude Kesmaecker et Fabrice Kastel, organisées par la fédération Rhône Alpes, avant de passer le DADSM.

Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec les amateurs ?

J’ai intégré l’harmonie très tôt, c’est un peu mon berceau, ce qui m’a fait naître à la musique. L’orchestre est une famille musicale, on y tisse des liens très forts, on aime faire de la musique ensemble, mais, surtout, on aime être ensemble, ce qui prime peut-être même sur la musique. L’expérience humaine au sein de l’orchestre est très forte, ce qui est extrêmement enthousiasmant. Il y a une bienveillance, une attention portée aux gens.

L’expérience humaine au sein de l’orchestre est très forte.

Parlez-nous du répertoire musical que vous travaillez avec vos orchestres

Notre répertoire est très varié, allant de la musique de film à la musique du monde, avec beaucoup de pièces écrites pour harmonie. C’est important de faire aller les musiciens vers des répertoires où ils sont moins à l’aise, qu’ils n’iraient pas écouter ou jouer d’eux-mêmes : des mesures irrégulières, comme dans les musiques du monde, des rythmiques et sons un peu déstabilisants. Ainsi pour le 6 mars 2022, nous sommes en train de monter notre projet Pharaonique Moondog, autour de ce compositeur à l’univers si particulier, Moondog. Ce projet réunira 6 harmonies, soit environ 300 musiciens.

Nous faisons aussi des reprises, afin que les musiciens et le public aient des points d’accroche, reconnaissent des morceaux. En revanche, nous ne jouons pas de musique classique.

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Racontez-nous une ou deux anecdotes qui vous a/ont marqué

Je me souviens d’un concert avec l’harmonie de Romans, en avril 2019, qui avait été particulièrement incroyable. Sur un morceau, tout fonctionnait à la perfection, tous les musiciens étaient concentrés, un instant de grâce. À la fin du morceau, j’étais bouleversée et fière que j’en avais les larmes aux yeux, j’étais vraiment à ma place en faisant ce métier.

Une autre anecdote amusante, je venais d’accoucher lorsque j’ai suivi ma formation avec Claude Kesmaecker et Fabrice Kastel. Je faisais les exercices de battue et les exercices de gestiques avec mon bébé en écharpe ! L’équipe était très à l’écoute et bienveillante, c’était une belle expérience.

Vous avez passé le DADSM, racontez-nous

Lorsque j’ai décidé de suivre ma formation en 2020, je n’avais pas du tout en tête de présenter le DADSM. Claude Kesmaecker m’a persuadée de passer l’examen, même si je pensais manquer de temps et d’investissement, et j’ai fini par m’inscrire. J’ai eu la chance de bénéficier de cette formation pour préparer le DADSM. J’ai travaillé et testé les morceaux imposés avec les orchestres de la formation, nous avons travaillé l’harmonie, l’orchestration à la table – qui était totalement nouvelle pour moi – surtout avec un temps imparti. Tout cela m’a demandé beaucoup de travail personnel.

La particularité de notre session est que nous avons été la « session Covid ». Les épreuves se sont déroulées sur 9 mois : octobre 2020 en présentiel à Paris, janvier 2021 en visio, enfin juillet 2021 pour les épreuves avec orchestre. Il fallait à chaque fois se replonger dans les épreuves. Qui plus est, les épreuves avec l’orchestre sont très particulières : jamais dans la réalité vous n’arrivez devant un orchestre que vous ne connaissez pas pour enchaîner un morceau sans s’arrêter ! Pour me préparer, j’allais dans ma salle de répétition, seule, pour visualiser le placement des musiciens, je m’entraînais à projeter la voix, à m’exprimer, je travaillais la gestique, dans le vide, je faisais reprendre comme s’il y avait eu une erreur. Un vrai travail de comédien. D’autant que nous n’avions pas pratiqué entre novembre 2020 et fin mai 2021, il fallait donc renouer avec les gestes. Tout cela a demandé une grosse préparation.

Jamais dans la réalité vous n’arrivez devant un orchestre que vous ne connaissez pas pour enchaîner un morceau sans s’arrêter !

Le DADSM a consolidé certains de mes acquis, et développé d’autres compétences comme l’orchestration. Habituellement je travaille l’orchestration sur l’ordinateur, j’entends directement les sons. Là, il fallait le faire à la table, donc dans la tête. J’ai donc beaucoup appris. Le DADSM m’a aussi donné confiance en moi, il m’a conforté dans ma pratique : ce que je fais en répétitions fonctionne, ma méthode de travail est bonne.

Enfin bien sûr, sur un CV le DADSM est une ouverture supplémentaire. Même si actuellement mes postes me conviennent, on ne sait pas de quoi demain sera fait… C’est un bagage supplémentaire à avoir, et qui peut faire la différence.

Concernant la place des femmes dans la direction des orchestres, voyez-vous un changement dans les mentalités actuelles ?

À mon niveau je ne ressens pas de différences entre homme et femme. Que je sois une femme n’a pas été un obstacle. Mais, plus on monte, plus cela devient compliqué, même si les choses tendent à s’égaliser entre les hommes et les femmes. Je vois beaucoup d’actions pour mettre à l’honneur les cheffes. Mais il est triste d’en être réduit à cela… Que se passe-t-il autrement ? On les oublie ? Sans ces actions, où sont-elles ?

Les choses évoluent cependant, on a aujourd’hui plus de liberté. Au final, ce qui est souvent plus pesant c’est le poids de l’histoire, des traditions, même si la société évolue. À titre personnel, le poids de l’histoire est très ancré chez moi. On s’interdit des choses alors que la société ne les interdit plus. Doit-on choisir entre être une bonne mère et faire carrière ? Est-ce que j’ai le droit de m’octroyer suffisamment de temps pour mes répétitions, alors qu’il faut que je m’occupe de mes enfants ? On se retient de faire les choses, même inconsciemment. Je ressens beaucoup de culpabilité, même si personne ne me fait de reproches. L’ancrage générationnel est encore très présent.

Comment avez-vous vécu le confinement ?

L’Horizon Musical compte une vingtaine de musiciens, et, malheureusement, un peu moins depuis le Covid : les gens vieillissent, certains ne peuvent plus venir aux répétitions, d’autres sont récalcitrants au passe sanitaire…

À Romans, il y a une quarantaine de musiciens, de 14 à 75 ans. Pendant le premier confinement nous avons réalisé une vidéo confinée, Happy together, pour se donner du courage et maintenir le lien entre nous.

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En septembre 2020, il était possible de reprendre les répétitions, mais en moitié de groupe car nous étions trop nombreux, ce qui imposait d’inventer un répertoire pour chaque groupe, bois et cuivres. Mais cela n’a pas duré longtemps puisque nous avons été reconfinés en octobre… Nous n’avons alors pas renouvelé l’expérience de la vidéo confinée, mais nous nous sommes vu de temps en temps en visio, pour se donner des nouvelles et travailler sur les futurs projets. Il était nécessaire d’essayer de se projeter, notamment pour les 140 ans de l’harmonie de Romans. Nous fêterons cet anniversaire avec un an de retard, en juillet 2022, avec un gros projet artistique et technique mêlant orchestre, orgue de barbarie et chœur.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?

Lors de mes formations, j’ai rencontré des personnes passionnantes, aussi j’ai envie de continuer à me former, même si avec deux enfants c’est un peu compliqué en termes de temps. Mais plus on apprend et plus on a envie d’apprendre ! Il y a tellement à explorer.

Concernant l’enseignement de la flûte, en février 2022 je vais passer le concours pour devenir titulaire et avoir un poste plus pérenne, être moins soumise aux effectifs de classe. Toute la formation autour du DADSM, les techniques de travail, l’adresse aux musiciens, la construction des programmes, va m’être utile. Il y a des passerelles entre la flûte et l’orchestre dans la manière d’enseigner.

Quant à la suite de ma carrière, j’espère qu’elle m’épanouira toujours autant, car c’est vraiment une bouffée d’air ! Tout le monde ne peut pas se vanter d’avoir un métier qui donne le sourire. J’espère garder cette envie d’enseigner, d’apprendre, de creuser avec les musiciens, d’être toujours dans cet épanouissement permanent. Et de rencontrer toujours des personnes inspirantes, qui donnent envie de donner le meilleur de soi-même, de se surpasser.