Propos recueillis par Caroline Rainette

15 novembre 2022

Pianiste et compositrice, diplômée de l’Université Nationale de Colombie, Diana Ortiz a remporté plusieurs concours de composition. Avec sa pièce De Reflejos, Refracciones y Renuncias, elle a obtenu le prix du public et le 1er prix du concours ” Reflets de femmes” organisé par La Sirène de Paris.

Racontez-nous votre parcours

J’ai étudié la composition à l’Université de Colombie, et actuellement je suis en master de composition en Allemagne, à la Folkwang University of the Arts. En 2018, j’ai suivi des cours de composition pour l’image à la Pontificia Universidad Javeriana et j’ai participé au Bogota International Film Festival, où j’ai été sélectionnée pour participer aux ateliers Music for Film avec le compositeur Christopher Austin (professeur à la Royal Music Academy de Londres).

J’ai remporté plusieurs concours de composition, parmi lesquels “Plataforma 28” organisé par l’Orchestre symphonique national de Colombie et “CD la nueva música Sinfónica Colombiana” organisé par l’Orchestre symphonique de l’EAFIT. En 2020, j’ai fait partie des lauréats du Prix de composition instrumentale de répertoires pédagogiques de l’Institut des Arts de Bogota. En avril 2022, j’ai reçu le premier prix et le prix du public du Concours international de composition de La Sirène, orchestre d’harmonie de Paris.

Je m’intéresse beaucoup aux questions de genre, d’art et de décolonialité. Ainsi entre 2018 et 2020 j’ai été coproductrice du Festival Mujeres en la Música Nueva [Festival des Femmes dans les nouvelles musiques] de Bogota.

Parlez-nous de votre travail de composition et de vos sources d’inspiration

J’apprends énormément grâce aux œuvres des musiciens que j’admire : Dai Fujikura, Eblis Alvarez, Carmen Baliero, Ted Hearne. La musique populaire m’inspire aussi énormément et j’aime explorer des thèmes extra-musicaux qui m’intéressent. J’essaie par ailleurs d’avoir des références musicales de compositrices dans mon travail, car il est nécessaire d’agir en ce sens pour arriver à changer les inégalités présentes encore aujourd’hui dans le milieu de la musique. De nombreuses compositrices ont ainsi marqué ma carrière, notamment Melissa Vargas, compositrice et responsable culturelle de Bogota qui a consacré une grande partie de son travail à promouvoir le travail des compositrices en Amérique latine et même dans le monde. Elle est aussi l’une des fondatrices du Festival Mujeres en la música Nueva, qui m’a permis de rencontrer de formidables compositrices venues du monde entier, et à l’occasion duquel nous avons créé une playlist de compositrices latino-américaines. Par exemple, j’aime la musique de Canela Palacios, son goût pour l’exploration expérimentale, ou encore son incursion dans la musique populaire, parfois de manière irrévérencieuse, d’autres fois plus intimiste. Toujours dans cette playlist, j’ai découvert la musique de Carmen Barradas, une compositrice uruguayenne qui m’impressionne par la force et l’expressivité de ses pièces pour piano. Et pour finir, je voudrais mentionner le Brésilien Jocy de Oliveira, un pionnier dans la création de musiques mixtes et électroniques, ce qui m’intéresse tout particulièrement pour élargir certains horizons esthétiques.

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Encore aujourd’hui on normalise de nombreuses situations d’inégalité et d’invisibilité.

Racontez-nous votre expérience sur le concours international de compositrices organisé par La Sirène.

Je pense qu’il est important de promouvoir et de prendre des mesures pour contribuer à l’équité dans le milieu de la musique. En effet, il faut être conscient de l’inégalité entre les sexes qui s’est historiquement mise en place dans tous les aspects de la vie, et qui a donc également des répercussions dans le domaine musical. Le monde est en train de changer progressivement, mais avant tout grâce aux combats menés par les femmes et qu’elles continuent encore de mener aujourd’hui. Ainsi, lors de mes études, j’ai très peu entendu parler de femmes musiciennes, que ce soit en cours d’histoire de la musique ou en cours de composition. Encore aujourd’hui on normalise de nombreuses situations d’inégalité et d’invisibilité. J’ai moi-même dû prendre beaucoup de recul pour, grâce à d’autres femmes chercheuses, compositrices et interprètes, prendre conscience de tous ces problèmes et réfléchir à la façon dont, pour ma part, je peux changer au quotidien. Je crois que des actions comme celle de La Sirène, pour promouvoir le répertoire composé par des jeunes femmes, sont très précieuses et contribuent à la réflexion quant aux changements nécessaires pour construire le monde que nous voulons, à commencer dans notre travail musical.

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C’est formidable que des gens se retrouvent pour le plaisir de jouer.

Quel est votre regard sur la pratique amateur ?

Mon expérience de composition pour La Sirène a été très intéressante. Les compositrices ont pu réfléchir librement à leur proposition musicale par rapport au thème des miroirs donné par les organisateurs du concours, tout en devant prendre en considération l’expérience musicale des musiciens – sachant qu’ils interprètent habituellement plutôt un répertoire tonal ou modal – et en réfléchissant sur la manière de les rapprocher d’un autre type de langage musical. Les concours étant pour orchestre d’harmonie, c‘était également très intéressant de réfléchir aux possibilités instrumentales et d’essayer de rendre les idées musicales efficaces tout en prenant des risques.

La pratique amateur est vraiment très belle, c’est formidable que des gens se retrouvent pour le plaisir de jouer, se rapprochent à travers différents répertoires musicaux. Ces espaces de rencontre sont précieux et doivent continuer d’exister pour les citoyens de tous âges, les politiques doivent les défendre et les soutenir.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

En octobre j’ai commencé mon master en Allemagne. C’est formidable, même si je suis un peu effrayée car cela implique beaucoup de changements (langue, culture, amis, et même météo !) mais je suis sûre que je vais en profiter au maximum et beaucoup apprendre. Mon mémoire de recherche s’intitule « Buscar en buscadores [rechercher dans les moteurs de recherche] » et allie recherche, création et diffusion artistique autour de musiciens latino-américains exceptionnels, immergés dans la musique populaire expérimentale. Avec ce projet, je veux creuser plus profondément dans mes influences et effacer les barrières entre la musique académique, populaire, expérimentale et d’autres formes de création.

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