Propos recueillis par Caroline Rainette

15 novembre 2022

Lisa Heute a suivi un cursus de Master de composition au CNSMD de Lyon, et en accordéon à l’ESM Bourgogne Franche-Comté. Compositrice au parcours singulier, elle aime explorer les liens entre la musique et d’autres arts, en s’inspirant d’œuvres extra-musicales. Avec sa pièce Et aucun ne me refléta, elle a obtenu le 3eme prix du concours ” Reflets de femmes” organisé par La Sirène de Paris.

Racontez-nous votre parcours

J’ai un double parcours, en accordéon et en composition. J’ai d’abord commencé par l’apprentissage de l’accordéon classique, traditionnel, populaire, puis je me suis dirigée vers la musique contemporaine. J’ai passé un master de composition au CNSMD de Lyon sur la musique à l’image, l’orchestration, ainsi que d’autres disciplines autour de la composition. J’ai étudié l’écriture classique, l’analyse, le style des compositeurs, ce qui m’a tout particulièrement intéressé et m’a poussé à chercher mon propre style. Être dans l’analyse des compositeurs ne me suffisait plus. Plus jeune, j’improvisais beaucoup à l’accordéon, j’inventais de petits morceaux, en réalité je pense que je portais déjà en moi ce désir de composer.

Je suis toujours instrumentiste, je fais les deux en parallèle, accordéon et composition, surtout dans des projets liés à la création. Je travaille aussi avec d’autres compositeurs en tant qu’interprète, ce qui me permet de constamment élargir ma vision de la musique. Être interprète permet une autre approche des pièces, on analyse un peu plus. Cela change également la façon de composer : je me mets à la place de l’interprète quand je compose, je pense au geste.

En tant qu’instrumentiste je travaille avec des ensembles professionnels, notamment avec l’ensemble Orbis, le collectif « La Tempête », le duo XAMP… Pour ce qui est de la composition, je travaille à la fois avec des ensembles professionnels (Ars Nova, Intercontemporain, Hélios…), mais également avec avec des amateurs.

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Parlez-nous de votre travail de composition et de vos sources d’inspiration

Mes sources d’inspiration sont souvent en dehors de la musique : des textes, des poèmes, des tableaux. Ensuite j’imagine la pièce, au début c’est un peu flou, puis avec le temps tout devient clair. Je travaille beaucoup en chantant ce qui me vient et en essayant de le retranscrire. J’improvise aussi au piano et à l’accordéon pour nourrir mon imaginaire, créer des ambiances, même si par la suite je modifie lors de l’écriture.

Parmi mes compositeurs préférés je peux citer Gabriel Fauré qui me plait beaucoup pour l’harmonie. J’aime aussi le jazz, notamment Bill Evans, Keith Jarrett. Parmi les compositeurs actuels j’écoute beaucoup Kaija Saariaho et Unsuk Chin. Je viens de découvrir la musique de Pauline Oliveros, compositrice et accordéoniste que je trouve très intéressante.

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J’espère que les concours réservés aux femmes ne deviendront pas une norme.

Racontez-nous votre expérience sur le concours international de compositrices organisé par La Sirène.

J’ai entendu parler de ce concours par le bouche à oreille, et j’ai tout de suite était intéressée par le fait de composer pour un effectif important, ce que je n’avais jamais eu l’occasion de faire. J’ai beaucoup apprécié l’organisation du concours qui consistait dans un premier temps à ne préparer qu’un extrait, ce qui permettait d’être déjà dans le projet sans devoir tout composer.

J’ai écrit une pièce spécifique pour le concours, je n’avais rien de prêt avant. Je suis partie d’une citation de Borges et de son univers fantastique dans L’Aleph : “Je vis des yeux tout proches, interminables, qui s’observaient en moi comme dans un miroir”. J’avais envie de raconter cette histoire et de profiter des couleurs, de la richesse de l’orchestre d’harmonie, de sa puissance, du relief qu’il peut transmettre. L’œuvre évoque l’atmosphère mystérieuse d’un rêve, au travers d’une multitude de miroirs déformants, dans lesquels on recherche en vain son propre reflet. L’image se transforme sans cesse. La pièce fait entendre une marche inéluctable dans un univers d’abord suspendu et flottant puis bouillonnant, rythmique et puissant.

J’ai beaucoup échangé avec le chef sur la signification de l’œuvre et sa rythmique. Les deux répétitions auxquelles j’ai assisté ont été des moments importants de travail sur les tempos, les phrasés, des corrections à apporter pour que cela fonctionne mieux. J’ai aussi pu échanger avec les musiciens, ce qui était très important pour répondre à leurs questions, leurs expliquer l’œuvre et ce que j’avais imaginé en l’écrivant. La première fois que j’ai entendu la pièce en répétition, tous les musiciens n’étaient pas présents. J’avais donc uniquement l’esquisse de la pièce et je doutais encore que cela puisse fonctionner, d’autant que l’œuvre n’est pas facile, surtout pour des amateurs. Mais le résultat final était vraiment très bien, très proche de ce que j’avais imaginé.

De tels concours, réservés aux femmes, permettent de nous aider, de mettre en valeur notre travail. Même si actuellement je considère que c’est une chance, j’espère que cela restera temporaire et non pas devenir une norme. Les choses sont cependant en train de changer, les mentalités évoluent, et de plus en plus d’organismes, d’associations rendent visible le travail des compositrices, comme le concours de La Sirène. Quand je suis entrée au CNSMD de Lyon il y avait encore peu de filles, nous n’étions que deux sur dix élèves. Cinq-six ans plus tard on constate qu’elles sont plus nombreuses. Mais il faut encore se battre, notamment face aux réseaux déjà existants, aux questions d’esthétisme.

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Les amateurs sont exigeants dans leur travail.

Quel est votre regard sur la pratique amateur ?

Les amateurs sont là bénévolement mais ils sont motivés, avec un très bon esprit et ont envie d’apprendre, de voir de nouvelles choses. Ce n’est pas leur métier, cependant ils sont exigeants dans leur travail. J’avais fait au mieux pour prendre en compte le niveau de l’orchestre, en choisissant de travailler par groupes d’instruments, en évitant de laisser des parties trop seules, trop exposées, profitant du groupe pour les rassurer, les rendre plus fort.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

L’année prochaine je vais travailler avec l’Ensemble Intercontemporain pour leur tremplin jeune création. J’ai écrit un concerto pour marimba qui va être crée à l’automne par le soliste Louis Quiles accompagné par l’Orchestre de chambre de la Drôme, un orchestre de jeunes professionnels, et sous la direction de Rémi Durupt. J’ai aussi créé un ensemble de musique contemporaine en région lyonnaise, L’Ensemble Orbis, pour lequel j’ai écrit une première pièce, dont je serais également interprète.

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