Propos recueillis par Caroline Rainette

15 novembre 2022

Silvia Berrone a commencé très jeune ses études de piano, avant de se consacrer au monde de la composition. Elle a étudié à Pavie et à Turin avant d’intégrer le CNSMD de Lyon. Avec sa pièce Polissage, elle a obtenu le 2eme prix du concours ” Reflets de femmes” organisé par La Sirène de Paris.

Racontez-nous votre parcours

Quand ils étaient jeunes, mes parents étaient des musiciens amateurs, et ce sont eux qui m’ont fait connaître le monde de la musique. J’ai commencé à étudier le piano à l’âge de 6 ans. Pendant ces années d’études, j’ai rencontré Carla Rebora, pianiste et compositrice, qui a toujours été pour moi un modèle à suivre. Après le lycée, j’ai décidé de me consacrer entièrement à la musique. Je suis entrée au conservatoire où, en étudiant des pièces contemporaines, je me suis vraiment intéressée à l’écriture. J’ai commencé les études de composition à Turin avec Giorgio Colombo Taccani, compositeur élégant et figure très importante pour moi. Actuellement je suis en deuxième année de master au CNSMD de Lyon, dans la classe de Michele Tadini, avec qui je travaille beaucoup sur le développement et la prise de conscience de mon style de composition.

Parlez-nous de votre travail de composition et de vos sources d’inspiration

J’ai toujours été intéressée par l’écriture pour orchestre car je suis fascinée par les couleurs qu’il peut donner. La voix prend aussi de plus en plus de place dans mon travail.

J’ai toujours eu une relation d’amour-haine avec le piano, bien que ce soit l’instrument avec lequel j’ai grandi. Cependant il reste un outil indispensable pour composer, même si la majorité de mon travail se fait à la table. En général, j’ai des images sonores en tête, parfois des mélodies, et le piano m’aide pour chercher des séries et voir comment sonnent mes idées, créer des combinaisons de notes. Ensuite vient un travail de construction, décomposition et modélisation conduisant à la création d’une structure à partir de petites séries de notes et de différents outils. Dans mon travail, j’allie une approche méthodique, mathématique et d’imagination. Évidemment, quand on a la possibilité de travailler avec les instrumentistes c’est encore mieux car on sait instantanément si cela fonctionne ou non. Enfin, l’ordinateur est fondamental dans mon travail de composition car je travaille aussi avec l’électronique. L’ordinateur aide d’ailleurs énormément à l’écriture pour les instruments, et comme je dis souvent : l’électronique « ouvre les oreilles », il développe l’écoute.

Mes sources d’inspiration dépendent vraiment de la situation. Dans le cadre d’un concours comme celui de La Sirène, il y avait un sujet imposé, en l’occurrence les miroirs, ce qui m’a amené à penser aux techniques de polissage du miroir, une idée en fait assez éloignée de l’univers musical. Souvent j’imagine de petites histoires, j’en cherche les sons, les mélodies qui y sont associées.

Parmi les compositeurs dont je m’inspire le plus, je pense toujours à mes professeurs, actuels comme passés (j’ai eu de la chance !), qui sont pour moi des modèles. J’espère atteindre la même élégance et le même goût dans la création. Mais l’inspiration peut aussi venir d’ailleurs, même de collègues et amis. J’observe le travail des autres, je lis et j’essaie d’écouter de la musique de (presque) tous les genres.

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J’espère que davantage de modèles féminins émergeront pour encourager les futurs générations de musiciennes à s’engager dans la voie de la composition

Racontez-nous votre expérience sur le concours international de compositrices organisé par La Sirène.

A l’été 2020, j’ai reçu deux mails au sujet de ce concours, le premier de la part de mon professeur du CNSMD, et le second de la part de mon ancien professeur en Italie car j’avais déjà écrit une petite pièce pour brass band. J’ai postulé et j’ai eu la chance d’être reçue.

Le fait que ce soit un concours uniquement ouvert aux femmes m’a beaucoup fait réfléchir. En échangeant avec des collègues, nous en sommes venues à la conclusion que ce type de concours était malheureusement sans doute nécessaire, à commencer par la nécessité d’enrichir le répertoire de l’orchestre d’harmonie avec des œuvres de compositrices. Toutefois, j’espère qu’à l’avenir nous n’aurons plus besoin de concours réservé aux femmes, mais bien de concours mixtes, et que davantage de modèles féminins émergeront pour encourager les futurs générations de musiciennes à s’engager dans la voie de la composition. Les évolutions prennent du temps mais les choses bougent.

Concernant l’œuvre pour le concours, je suis partie de l’idée du polissage de miroir d’après une œuvre de Michelangelo Pistoletto (artiste de l’art pauvre) faite en métal, mais travaillée comme du miroir. L’orchestre d’harmonie étant composé principalement d’instruments en métal, j’ai fait le lien entre l’œuvre de Pistoletto et les instruments. La pièce est donc inspirée par le geste artisanal du polissage du miroir sur les métaux. Cette technique particulière exige que la surface métallique soit travaillée à l’aide de brosses spéciales, avec des mouvements circulaires constants alternant avec des mouvements linéaires. L’évolution du geste artisanal, au début nécessairement décidé, apte à travailler la matière encore brute, se traduit par une évolution sonore claire, bien que délicate. Ainsi, l’apparent vacarme initial prend peu à peu forme, puis se dépouille de l’excès de matière et se transforme en un son fin, aigu et lucide. L’ensemble de la pièce a une structure en miroir qui se développe sur trois moments principaux faisant ainsi dialoguer la naissance de fragments mélodiques et des composantes bruyantes avec un amincissement progressif de la matière. Le geste sonore devient ainsi un geste artisanal renouvelé.

Je n’avais jamais travaillé avec un orchestre avec autant de musiciens, et cela a été une très belle rencontre. Lors de la dernière répétition, j’ai pris conscience que l’œuvre pouvait vraiment fonctionner. Je suis rarement satisfaite de mon travail, j’avais des doutes, mais cette répétition m’a complètement rassurée.

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La pratique musicale en groupe permet une ouverture dans la façon de jouer et d’écoute.

Quel est votre regard sur la pratique amateur ?

La pratique amateur est essentielle, c’est un moment de retrouvaille et d’envie commune autour de la musique. Il y a un lien social très important. En outre, la pratique musicale collective permet une ouverture dans la façon de jouer et d’écouter, aussi bien soi-même que les autres. Les associations de pratique amateur donnent accès à la musique à des gens dont ce n’est pas le métier et leur permettent de s’épanouir, de s’amuser et de faire communauté.

Travailler avec l’orchestre de La Sirène, qui est un orchestre amateur, a été très intéressant professionnellement. Leur chef d’orchestre les a énormément fait travailler, il a fait ressortir des choses auxquelles je n’avais pas pensé.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

En ce qui concerne l’orchestre d’harmonie j’espère écrire une autre pièce plus tard. Pour le moment je dois me concentrer sur mon master !

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